6 propositions de Thierry Monsenepwo pour résoudre la crise des prisons en République Démocratique du Congo

La tentative d’évasion récente à la prison centrale de Makala, qui a coûté la vie à 129 détenus, met en lumière les défis colossaux auxquels fait face notre système carcéral. Une situation tragique exacerbée par une surpopulation effrayante, dans un établissement conçu à l’origine pour accueillir 1.500 personnes, mais qui abrite aujourd’hui plus de 15.000 prisonniers. Alors que Kinshasa, autrefois peuplée de 250.000 habitants, compte aujourd’hui plus de 20 millions d’âmes, la pression sur les infrastructures publiques, y compris les prisons, est devenue insoutenable.

L’évasion de Makala soulève plusieurs questions sur la gestion interne de la prison. Fait particulièrement troublant, il est rapporté que les pavillons sont souvent sous le contrôle des prisonniers eux-mêmes, qui instaurent leur propre ordre dans ce chaos. Cet état de fait reflète une défaillance criante du système carcéral qui, au lieu d’assurer la réhabilitation et la sécurité, devient un espace où règnent l’arbitraire et la loi du plus fort.

Face à ce drame, il est crucial de saluer les premières mesures prises par le ministre d’état, ministre de la justice, notamment la suspension du directeur de la prison et l’ouverture des poursuites à son encontre. Ces actions démontrent une volonté du gouvernement d’imposer la responsabilité au sein de l’administration pénitentiaire. Toutefois, ces mesures doivent être suivies d’une réforme profonde pour éviter la répétition de telles tragédies.

Les propositions des solutions pour un système carcéral humanisé et sécurisé:

1. Réduire la surpopulation carcérale :
La surpopulation est l’un des principaux facteurs de tensions dans les prisons. Pour y remédier, il est impératif d’envisager des mesures de désengorgement telles que :
La révision des peines pour les détenus ayant commis des délits mineurs. Des programmes de libération conditionnelle ou de travaux d’intérêt général pourraient offrir des alternatives à l’incarcération.
La construction de nouvelles infrastructures pour mieux répondre aux besoins d’une population carcérale en constante augmentation, en suivant une logique de répartition régionale afin de réduire la pression sur Makala.

2. Renforcer la gestion publique des pavillons :
La gestion informelle des pavillons par les prisonniers eux-mêmes n’est pas seulement un signe de faiblesse de l’administration, elle est aussi une source de violences et d’abus. Il est impératif de réinstaurer une gestion rigoureuse par les autorités publiques, avec un personnel formé et supervisé, et de mettre en place des systèmes de contrôle interne et externe pour s’assurer du respect des droits des détenus.

3. Améliorer les conditions de vie et d’hygiène en prison :
L’étouffement comme cause principale des décès récents est révélateur d’un manque cruel d’aération et d’espace dans les cellules. Le gouvernement doit investir dans des infrastructures garantissant une meilleure qualité de vie, notamment en termes de santé et de ventilation. Par ailleurs, des programmes d’assainissement et de prévention des maladies devraient être mis en place.

4.  Instaurer un système de réinsertion sociale efficace :
Les prisons ne doivent pas se contenter de punir, elles doivent réhabiliter. Pour cela, il est nécessaire d’introduire des programmes de formation professionnelle et d’éducation pour offrir aux détenus des perspectives de réinsertion une fois leur peine purgée. Cela réduirait les taux de récidive et allégerait à terme la pression sur les établissements pénitentiaires.

5. Assurer la transparence et la responsabilité dans la gestion des prisons :
Des mécanismes de suivi indépendant, impliquant des ONG et des institutions de défense des droits de l’homme, devraient être mis en place pour veiller à ce que les prisons respectent les normes internationales. Une transparence accrue et la responsabilisation des gestionnaires éviteront les abus et les évasions massives.
6. Utiliser les nouvelles technologies pour la surveillance
Il est important de mettre en œuvre un système de couverture total des espaces carcéraux par des caméras digitales qui soient en réseau et travaillant sur internet pour que les images en directs soient suivis par le ministère de la justice et toute la chaîne du directoire carceral.

Conclusion

L’incident tragique de Makala appelle à une réaction ferme, mais aussi à une réforme globale de notre système carcéral. Si la suspension et les poursuites engagées contre le directeur de la prison sont un pas dans la bonne direction, il reste beaucoup à faire pour humaniser et sécuriser nos prisons. Il en va non seulement de la dignité des détenus, mais aussi de la sécurité publique et de la crédibilité de nos institutions judiciaires. Le gouvernement doit saisir cette opportunité pour refonder un système carcéral qui soit à la hauteur des valeurs de justice et de respect des droits humains, et pour prévenir de futures tragédies similaires.

Tribune de Jean Thierry Monsenepwo