L’organisation du référendum en RDC, entre flou juridique et enjeux politiques (Tribune de Me Jacob MBANGI)
La République Démocratique du Congo traverse une période charnière où la question du changement constitutionnel suscite des débats passionnés et des controverses majeures. En dépit du fait que la Constitution actuelle ne prévoit pas expressément son propre amendement par voie référendaire, l’article 5 offre une brèche intéressante: le peuple peut se prononcer sur toute question d’intérêt national par référendum. Toutefois, un obstacle juridique majeur persiste: l’absence d’une loi organique encadrant le processus référendaire. Une faille qui pourrait ouvrir la porte à des dérives.
Un flou juridique propice à la manipulation
L’article 5 de la Constitution consacre le peuple comme détenteur ultime de la souveraineté nationale, en précisant que celui-ci peut s’exprimer par voie d’élections et de référendum. Mais cette disposition, aussi noble soit-elle, demeure inapplicable en l’absence d’un cadre légal détaillant les modalités pratiques d’un tel référendum.
Cette lacune juridique soulève une question cruciale : comment peut-on invoquer un mécanisme démocratique sans les outils nécessaires pour le mettre en œuvre ? L’absence de la loi sur le référendum n’est pas un oubli anodin, mais plutôt une omission qui laisse place à des interprétations opportunistes
Un référendum, pour qui et pour quoi ?
Dans ce contexte, la question du référendum pourrait devenir une arme politique au service d’intérêts spécifiques. Si l’on devait initier un tel processus aujourd’hui, qui en déterminerait les termes ? La Ceni actuelle, parfois accusée de partialité, serait-elle à même de garantir un cadre équitable ?
Pire encore, l’idée même d’un référendum pourrait être utilisée comme un moyen détourné pour justifier des changements constitutionnels controversés, notamment celles touchant aux limitations des mandats présidentiels ou à la répartition des pouvoirs. Ce qui se présente comme un exercice démocratique pourrait se transformer en un outil de légitimation autoritaire.
Les risques d’un précédent dangereux
L’organisation d’un référendum sans loi préalable ne serait pas seulement un défi technique ; ce serait une violation flagrante de l’esprit même de la Constitution. Si l’on s’engage dans cette voie, cela pourrait créer un précédent où les institutions seraient tentées d’outrepasser les gardes-fous juridiques en invoquant la volonté populaire.
Or, l’histoire récente de la RDC montre que les abus institutionnels mènent souvent à des crises politiques prolongées. En l’absence de garanties solides, un référendum risquerait d’aggraver les tensions politiques et de fragiliser davantage une démocratie déjà précaire.
Que faire ?
Avant toute chose, il est impératif que le Parlement adopte une Loi Organique sur le Référendum, cette loi devrait :
1. Définir clairement les modalités d’organisation et de supervision du référendum.
2. Garantir la transparence du processus.
3. Prévenir toute tentative de manipulation politique.
Sans cela, tout référendum, aussi bien intentionné soit-il, ne serait qu’un écran de fumée pour masquer des ambitions politiques.
Conclusion
L’organisation d’un référendum en RDC ne devrait pas être un simple slogan politique ou un outil de manipulation. Il s’agit d’un mécanisme complexe qui nécessite un cadre juridique rigoureux et un engagement sincère envers les principes démocratiques. Le peuple est souverain, certes, mais cette souveraineté ne peut être exercée dans le chaos juridique ou sous la menace d’un agenda caché.
Me. Jacob MBANGI