Lutte contre la vie chère : l’économiste Georges-Kettel Yamba propose au gouvernement d’utiliser 2milliards $ sur les 6 milliards de la réserve de change pour relancer la production dans l’agriculture, l’élevage et la pêche au lieu de supprimer les taxes droits et les redevances sur certains produits

Je suis Georges-Kettel YAMBA NGOIE, Administrateur à COBIL SA. En ma qualité d’Analyste économique, je me permets librement de porter mon point de vue sur les mesures annoncées par l’Eminent Professeur, Son Excellence Monsieur Daniel MUKOKO SAMBA, Vice-Premier Ministre, Ministre de l’Economie Nationale, qui consistent en la suppression de taxes droits et redevances sur les produits alimentaires de première nécessité afin de réduire, à moyen terme, les prix sur le marché.

Il s’agit des neuf (9) produits importés à savoir, la viande, la volaille, les poissons, le makayabu, le lait en poudre, le riz, le maïs, l’huile végétale et le sucre.

Les questions que je pose à l’Eminent Professeur Daniel SAMBA MUKOKO sont les suivantes :
1. Par quel mécanisme seriez-vous à mesure de faire la distinction entre le stock importé en plein régime et le stock exonéré des taxes ? N’est-il pas correcte de penser que les opérateurs économiques vont s’employer à dissimuler le stock exonéré pour le vendre au prix plein, et augmenter ainsi leur marge bénéficiaire ?
2. Avez-vous identifié les stocks existants sur le territoire national afin de savoir à quel moment le stock exonéré des taxes pourra être mis en circulation ?
3. Est-il opportun de supprimer ces taxes en plein exercice budgétaire, surtout en ce moment où notre pays a besoin des moyens financiers pour faire face à la guerre injuste qui se déroule sur la partie est de son territoire ?
4. La suppression des taxes ne requiert-elle pas l’avis du Parlement ?
5. Qu’adviendra-t-il du sucre produit à KWILU NGONGO, bénéficiera-t-il des exonérations pour le rendre compétitif et préserver ainsi l’industrie locale ?
6. Avez-vous prévu des contrats-programmes en ce qui concerne les denrées produites localement ?
7. Quelle est la proportion de cette baisse des prix et son impact sur le pouvoir d’achat ?

Cette décision, qui n’est pas remise en cause, est très appréciée par la population congolaise. Elle prouve à suffisance que le Gouvernement se préoccupe de l’amélioration du bien-être de la population et cherche des pistes et des solutions idoines pour y parvenir.

Je me mets à la place d’un analyste économique qui voudrait que l’Eminent Professeur Daniel MUKOKO SAMBA, donne plus de lumière sur ces mesures. Il est clair qu’elles visent à renforcer le pouvoir d’achat, conformément au vœu le plus fervent de Son Excellence Monsieur Felix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République, Chef de l’Etat, qui a placé le peuple au centre de son action.
Le pouvoir d’achat correspond à la quantité de biens et de services qu’un revenu permet d’acheter. Il dépend alors du niveau du revenu et du niveau des prix. Le revenu mensuel moyen en République Démocratique du Congo est d’environ 60 USD par personne.
On peut baisser les prix de ces 9 produits mais si la population n’a pas un revenu suffisant pour s’en procurer, ces mesures d’une part, elles rendent implicitement l’Etat d’être seul responsable de l’inflation des produits alimentaires, et ont pour conséquence de diminuer drastiquement les recettes fiscales, qui rend difficile l’amélioration du revenu des congolais, et d’autre part, de profiter aux importateurs qui du reste sont à 90% des étrangers, qui versent facilement dans la spéculation.
L’étude « MENAA FINANCE », dont les conclusions demeurent d’actualité a rendu responsables les opérateurs économiques qui font recours, le plus souvent, aux pratiques peu orthodoxes, notamment la concurrence déloyale,  le commerce triangulaire en haute mer, le cumul des marges bénéficiaires (les importateurs sont à la fois grossistes, transporteurs, détaillants…)
La mesure préconisée aura résolu un seul aspect du problème du pouvoir d’achat, notamment la baisse des prix, qu’en est-il du revenu ? D’autant plus que la vie au quotidien d’un congolais moyen ne se limite pas uniquement à ces neufs produits. Il y a aussi la consommation énergétique, le transport, les besoins cosmétiques, le loisir, etc.
En RDC, les habitudes alimentaires sont connues de tous et les aliments de bases diffèrent d’une province à une autre, néanmoins les disparités ne sont pas importantes. Le congolais de la classe moyenne et le congolais en général a pour aliments de base : le fufu (maïs ou manioc), la chikwangue, les makemba, le riz, les haricots, les poissons, la volaille (essentiellement le poulet), la viande (porc, chèvre, bœuf) et la viande dite de « brousse ». Le lait en poudre et l’huile végétale est un luxe que beaucoup de congolais ne peuvent s’offrir, surtout qu’il existe des produits de substitution tel que l’huile de palme.

Tous ces aliments sont produits en RDC, en quantité suffisante pour satisfaire la demande intérieure, mais le seul problème et pas le moindre, est la destruction des routes de desserte agricole, qui rend difficile la circulation des denrées produites. En 2022, le PIB de la RDC est de 64,72 milliards USD, et là encore on ne tient pas compte des productions dans les entités administratives reculées, qui constitue pourtant une très grande part mais versée dans l’informel. C’est le cas de l’huile de palme, des arachides, du manioc, du maïs produits en très grande quantité dans mon village natal, dans le territoire de « bene Kayamba ».
La RDC a aujourd’hui 6 milliards USD de réserve de change. Ce qui est une première de son histoire, et garantit plus de 5 mois d’importation. Aussi, devrions nous nous poser de bonnes questions, notamment pourquoi garantir autant de mois d’importation pour un panier de la ménagère qui a de la peine à se constituer ?
De ce fait, je propose au Gouvernement de mon pays de prendre 2 milliards USD sur la réserve de change et après avoir évalué les besoins prioritaires, d’affecter cette somme à l’agriculture, à l’élevage et à la pêche ainsi qu’à la construction et la réhabilitation des voies d’évacuation.
Au Congo-Brazza, on n’importe pas le poulet, parce que le Gouvernement de ce pays a financé les éleveurs qui produisent suffisamment des poulets pour la consommation intérieure.
Ainsi donc, les mesures correctives sont de deux ordres, à savoir :

Vis-à-vis de l’Etat : encourager la réhabilitation des voies de communication, et améliorer le revenu de la population par l’octroi des subventions aux entrepreneurs agricoles, à travers les contrats programmes, en utilisant la réserve de change, le FPI, l’ARESP, etc.

Vis-à-vis du secteur privé : procéder au nettoyage des structures des prix, activer l’inspection économique et faire payer les amendes transactionnelles sur les anticipations sur le prix et le trop perçu.

Son Excellence Monsieur Felix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République, Chef de l’Etat met l’accent sur la transformation du potentiel que regorge la RDC en richesse effective, avec un accent sur l’agriculture. Nous pouvons nous inspirer du cas de la révolution verte en Inde qui fut une période de forte augmentation de la production agricole dans les années 1960 grâce à une modernisation des techniques agricoles. Au moment de son indépendance en 1947, la situation alimentaire de l’Inde était très mauvaise, et beaucoup d’observateurs prévoyaient une évolution catastrophique du pays. Nehru, le nouveau Premier Ministre de l’Inde, déclarait en 1948  « tout le reste peut attendre, mais pas l’agriculture. »
Le pays a cependant déjoué ces sombres pronostics, parvenant à mettre en œuvre une révolution verte qui, par une agriculture à haut rendement, a pu apporter en quelques années l’autosuffisance alimentaire au pays. De nombreux paysans ont pu profiter de ces progrès.
La RDC qui dispose de 80 millions d’hectares de terres arables, dont moins de 10% sont mises en valeur, et dispose d’une pluviométrie annuelle de plus de six mois est capable de développer son économie à moyen terme par l’agriculture.
De même, nos lacs, nos rivières ainsi que le fleuve Congo, regorgent d’une variété de poissons qui meurent de vieillissement. Il suffit de prendre de bonnes décisions, notamment la création des coopératives pour améliorer le revenu des paysans, car l’Etat devra absorber les produits issus de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage. L’industrialisation dans ces trois secteurs porteurs d’une très grande valeur ajoutée et créateurs d’emplois.
On peut solliciter l’expertise des pays qui ont réussi dans l’un des secteurs cités, notamment la Chine dans la pêche industrielle, l’Inde dans l’agriculture et l’élevage.
A mon avis, et cela n’engage que moi, la suppression des taxes n’apporte qu’une infime solution aux problèmes réels, et donne lieu à une spéculation qu’on aura du mal à maîtriser, mais l’autosuffisance alimentaire obéit aux impératifs d’une révolution de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage, bref de la relance et de la modernisation de la production intérieure. Nous suggérons au Gouvernement de la RDC d’en faire la priorité des priorités.
Son Excellence Monsieur Felix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République, Chef de l’Etat a dit que la situation actuelle est comparable à la douleur de l’enfantement. Le Gouvernement doit savoir que la douleur de l’enfantement dure à la limite 10 minutes, mais celle de la naissance d’un Congo nouveau tel que prôné par Son Excellence Monsieur le Président de la République semble s’éterniser à cause de la prise des décisions qui seraient inadaptées.

Fait à Kinshasa, le 19 août 2024